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LE TUTU


brouillard trop lourd restait englué au sol ; l’air puait l’eau ; des ouvriers débouchaient de la rue de la Gaîté et des maraîchers s’installaient sur le boulevard. Tout cela était triste. Noirof se sentait les yeux fatigués ; chaque fois qu’il cillait, il lui semblait remuer des grains de sable sous les paupières. Très amusante, la vie ! Il en avait connu la suprême jouissance la nuit dernière, là, dans cette grande maison qui dormait toujours chastement. C’était ça, l’idéal de la chair ! Il hésita, devait-il rentrer chez lui, à une heure aussi anormale, ou ne pas rentrer ? Où se réfugier ? Trempé comme il l’était, où aller se sécher ? Il grelotta. Il passa devant la glace extérieure d’un marchand d’antiquités, et se regarda ; il se regardait probablement pour la première fois, car son étonnement fut extrême. Comment, c’était lui, cette grande carcasse mouillée, avec une figure tirant sur le vert-cadavre-de-noyé-ayant-séjourné-trois-mois-dans-l’eau, avec cette cra-