Page:Sansot-Orland - Jules Lemaître, 1903.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 18 —

sceptique et un merveilleux dilettante de l’art et de la vie, passer en un champ d’action pour lequel, moins que tout autre, il semblait préparé. Les uns et les autres avaient également tort, car à lire avec clairvoyance les écrits divers issus de sa plume on découvre à chaque instant mieux qu’entre les lignes, affirmation du besoin de croire et la hantise de l’action. M. Anatole France fut un des premiers à s’en aviser alors qu’en notant sur Serenus sa captivante impression, il écrivait en matière de conclusion : « Faut-il agir ? Sans doute qu’il le faut. Rappelez-vous le premier mot prononcé dans le second Faust, par le petit homme que ce famulus Wagner vient de fabriquer avec ses cornues. À peine sorti de son bocal, ce petit homme s’écrie fièrement : « Il faut que j’agisse puisque je suis. » On peut vivre sans penser. Et même c’est généralement ainsi qu’on vit. Il n’en résulte pas grand dommage pour la république. Au contraire, la patrie a besoin de l’action diverse et harmonieuse de tous les citoyens. C’est d’actes et non d’idées que vivent les peuples. »

M. Jules Lemaitre semble avoir suivi l’avis d’Anatole France, son ami d’alors, son condisciple en renanisme aujourd’hui renié.

Déjà en 1890, il semblait caresser l’espoir de fonder un grand parti politique, alors que dans son Député Leveau il faisait dire à la marquise de Grèges : « Ah ! quel rôle pourrait jouer aujourd’hui un homme qui sans s’inquiéter de la partie affirmative des divers