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l’étendue du crédit du critique par le discrédit où les plongea son impitoyable sévérité ; peut-être pour les autres parce qu’ils l’étaient trop, comme Stéphane Mallarmé, comme Maeterlinck vis-à-vis desquels il ne marqua qu’une estime modérée. Pourtant à l’égard de ce dernier il eut des correctifs. Pour qui d’ailleurs n’en eut-il pas ? Pour qui ses jugements furent-ils autres que relatifs, que panachés d’amendements et de restrictions et de scrupules ?

Et c’était là le charme essentiel de cette critique impressionniste, toute faite de contradictions agréablement amenées et habilement justifiées entre elles. Ses articles n’étaient peut-être pas, aussi géométriquement qu’on l’a dit, divisés en trois parties « dont l’une était la contre-partie de l’autre et dont la troisième détruisait les deux premières[1] », ils se distinguaient plutôt par le mépris de toute géométrique distribution. C’était là un jeu par lequel, paraît-il, tout en conquérant la faveur du public il a chagriné quelques esprits sérieux. On nous l’a dit, il faut le croire, sans trop s’en étonner, car ces « esprits sérieux », ses maîtres sans doute, et ses ex-condisciples de la rue d’Ulm, ne pouvaient, en effet, voir d’un cœur léger un des leurs faire ainsi bon marché des traditions immuables de la vieille École. Le délinquant n’en eut cure et il continua ainsi à faire défiler devant nous œuvres et écrivains, pour nous

  1. René Doumic. Les Écrivains d’aujourd’hui.