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le purgatoire

elle escalade le roc aussi haut que possible en petites terrasses successives.

Nous l’avons eu, votre Rhin allemand.
Il a tenu dans notre verre.

Comme il est douloureux, ici, à cette heure, le souvenir de la chanson de Musset !

Nous nous arrêtons à toutes les gares. Elles sont propres, trop propres presque, comme si elles ne servaient jamais. Il faut croire que la guerre gêne les Allemands autant que nous pour le moins, car de nombreuses femmes tiennent les emplois qui étaient jadis réservés aux hommes ; facteurs, lampistes, visiteurs, portent jupe et, en même temps, une casquette plus ou moins galonnée, car il y a en Allemagne une maladie nationale, qui est, à proprement parler, celle de la casquette. Il n’est point de corporation, de syndicat, de groupe et sous-groupe, qui n’ait la sienne, d’une forme et d’une couleur spéciale. Et l’on éprouve quelque malaise à voir cette multitude de casquettes, qui sont autant de coiffures militaires, ne l’oublions pas, et qui marquent à quel point toutes les classes de la société sont ici enrégimentées dans un service quelconque.

Les villages que nous traversons sont aussi d’une propreté remarquable. Les maisons ont toutes des façades peintes à neuf. Elles rivalisent entre elles de gentillesse et d’ornements. Avec leurs toits élevés en pointe, et leurs boiseries apparentes dont la couleur sombre tranche sur la clarté des murs, elles font penser à ces illustrations faciles et classiques d’histoires médiévales. Nous avons tous la mémoire pleine d’images