Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
le purgatoire

à tout prix et de ne pas céder un pouce de terrain. Mais, le 20 septembre 1792, la victoire de Valmy avait récompensé nos pères en chassant les Prussiens hors de France. Quand sonnerait aussi l’heure d’un autre Valmy ?

Coblentz, nous t’appelons Coblence, et ce nom te sied mieux, car tu as été ville française. Il n’y a pas beaucoup plus d’un siècle, tes rues brillaient de nos uniformes. Et nous sommes tous assurés en France, en ce moment même où nous semblons fléchir, que tes rues verront de nouveau des soldats de chez nous. Tes filles souriront vers nos troupiers vêtus de bleu, comme le ciel de la Touraine et du Valois. Curnonsky, cet excellent garçon, me l’a juré. En octobre 1914 il m’adressait aux armées une carte pleine d’espoir, et il me donnait rendez-vous ici, à Coblence, pour le mois de mars 1915, « par un froid matin », disait-il. Hélas ! j’arrive au rendez-vous avec une bonne année de retard, par un froid matin, en effet, et ce n’est pas en vainqueur que j’arrive. Mais Curnonsky n’a pas tenu sa promesse. Heureusement pour lui.

La gare de Coblence est très grande. Elle paraît plus grande encore, en ce dimanche matin, à cause du peu de monde qu’on voit sur les quais balayés par le vent aigre. Quelle tristesse ! Les rares civils, femmes ou hommes, qui attendent leur train, ont des mines d’enterrement. Les femmes, prodigieuses d’anachronisme, sont habillées à la mode d’il y a quatre ou cinq années. Leurs chapeaux sont d’un ridicule émouvant et leurs jupes traînent sur le sol. Quant aux hommes, ils sont gourmés à un point excessif, et les dessins de Hansi, que nous prenions jadis pour des