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cobern-coblence-mayence

Le feldwebel est d’une curiosité que ne rebute pas l’heure matinale. Il sait beaucoup de choses aussi. Il approche de près les hautes personnalités militaires et civiles. Sans cela, après dix-neuf mois de guerre, serait-il encore à Cobern ? Mais, puisqu’il sait tout, peut-être saurait-il si, oui ou non, on va nous rendre les ordonnances qu’on promet de nous rendre de moment en moment depuis les Chambrettes ? En effet, il le sait, et il nous dit :

— On vous les rendra à Coblentz. Là vous changerez de train pour aller à Mainz. Mainz est une jolie ville. Vous serez très bien.

Et d’autres phrases sans intérêt, mais lyriques, et qui ne nous rassurent pas sur le sort de nos ordonnances. Tant y a qu’après avoir ri du grotesque feldwebel, nous sommes fatigués de son affabilité. Il ne nous amuse plus. Nous le lui faisons comprendre et il s’en va, léger d’esprit, avec une souplesse de mastodonte béat. D’ailleurs, pendant que ce grotesque nous égayait, le jour peu à peu s’est levé. Il est déjà sept heures, et le train repart. Dans moins de deux heures, nous serons à Coblentz.

Coblentz ! Que de souvenirs en nous à l’énoncé de ces deux syllabes ! C’est de là qu’en 1792, le 30 juillet, étaient parties les armées coalisées, fortes de 150.000 hommes. Elles aussi, elles voulaient prendre Verdun avant de marcher sur Paris. Danton avait prêché la levée en masse pour sauver la patrie en danger. Vergniaud avait décrété que quiconque proposerait de se rendre serait puni de mort. Ainsi nous-mêmes, tout récemment, pour défendre Verdun et pour sauver la patrie en danger, nous avions reçu l’ordre de tenir