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le purgatoire

Le vieux major fait un pas en avant, lève le bras, et, la face cramoisie, il hurle :

— Vous mentez. Il y a longtemps que le fort et le village de Douaumont ne sont plus aux Français.

— Je le sais, riposte froidement le capitaine V***. Nous avons été pris à trente mètres à l’ouest de Douaumont-village.

Le vieux major jubile. Il avait raison, mais il n’est pas satisfait. Sur un ton où ne manque pas une lourde ironie, il nous demande :

— Qu’est devenu le colonel Driant ?

Toujours imperturbable, le capitaine V*** réplique du tac au tac :

— C’est à vous qu’il faut le demander.

Cette fois le vieux major est pleinement satisfait, s’il a voulu ranimer en nous une douleur. Il ne dit plus rien. L’incident est clos, et nous continuons notre route.

C’est pour revenir à la belle usine détruite que nous avons fait le tour du vaste jardin. On nous arrête devant un bâtiment épargné par les flammes. Ce sera notre prison provisoire. La porte s’ouvre. Une grande salle. À l’entrée, le poste de police, composé d’une douzaine d’hommes de la landsturm. Dans le fond, à droite, une table et des bancs. Plusieurs officiers français se lèvent et viennent au-devant de nous.

Cependant, un leùtnant à l’aspect rogue, que nous avons aperçu en arrivant, fait irruption. Comme nous sommes têtus, nous demandons nos ordonnances. D’ailleurs, nous venons d’apprendre que les officiers prisonniers qui sont ici ont des soldats français à leur disposition. Pourquoi ne réclamerions-nous pas