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le purgatoire

selon la coutume allemande, car il est de règle là-bas de manger beaucoup le matin et peu le soir. Un soldat, qui doit rester à notre disposition jusqu’à ce que nous ayons achevé, place sur la table des assiettes creuses, des cuillers, des fourchettes, des tasses et une grande cafetière pleine de café. Le café sera notre boisson : il ne ressemble pas plus à ce que nous appelons chez nous de ce nom, que la fade lavasse que nous avons prise, la nuit précédente, dans la grange de Pillon. Quant à notre pitance, elle ne sera pas compliquée. Le soldat apporte une marmite et emplit nos assiettes d’une soupe épaisse, faite de potage condensé, de riz et de petits morceaux de viande de la grosseur d’un dé à jouer. J’avoue que cette soupe nous parut succulente. Le soldat qui nous sert est d’une prévenance extrême. À peine ai-je vidé mon assiette qu’il me l’enlève. Que va-t-il me donner ? — Une deuxième assiettée de la même soupe. Car, je peux le dire maintenant, on ne nous présentera pas autre chose. Libre à nous de reprendre trois ou quatre fois de cet unique plat. Alimentation simple et rustique dont il faudra nous accommoder. Encore serait-elle suffisante, si nous en avons toujours autant, et surtout si l’on nous distribuait un peu de pain. Mais notre menu de ce matin n’en comportait pas.

Manger et dormir sont à peu près les seules occupations d’un prisonnier. Nous nous sommes donc allongés sur nos paillasses après ce magnifique repas. Savions-nous ce que nous ferions ? Avant notre départ, qui était fixé pour deux heures, nous voulions nous reposer et nous mettre en état de supporter de nouvelles épreuves.