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des appétits ; ici, des sentiments ; là, des méthodes. Les deux peuples se touchent sans se confondre. Et ce n’est pas faute d’être éclairée sur nous que l’Allemagne garde ses principes à elle. Ses hommes sont d’une curiosité extraordinaire. Tout les intéresse de nous. Ils ne se lassent pas de nous interroger. Ils veulent savoir à tout prix qui nous sommes, ce que nous pensons, ce que nous faisons, ce que nous voulons. Mais, qu’on ne l’ignore pas, ce n’est point pour s’améliorer que l’Allemagne cherche à s’instruire. Elle a des principes nettement arrêtés. Rien ne pourra l’en distraire. Elle s’y tient comme un chien s’accroche à un os. Et, si elle montre tant de curiosité envers nous, c’est pour se convaincre un peu plus de sa supériorité et se raffermir dans son orgueil.

Ce matin-là, nous étions évidemment à l’ordre du jour de Rouvrois. Nous attendions la visite de tout ce qu’un état-major qui se respecte traîne avec soi d’officiers pleins d’importance. Aussi ne fûmes-nous pas surpris, quand, vers les huit heures du matin, entra dans notre cellule un officier allemand qui se présenta à nous comme interprète. Il nous demanda quel était le plus ancien de nous tous, et il sortit aussitôt, après avoir invité le capitaine V*** à sortir avec lui.

Nous pensions que nous allions subir l’un après l’autre, et séparément, l’interrogatoire de rigueur. Il n’en fut rien. L’interprète n’était pas chargé de nous interroger. Il désirait seulement causer avec le capitaine. Quelle tendre sollicitude et quelle délicatesse de savoir-vivre ! Mais combien plutôt la ruse était grossière ! Car, sous le prétexte d’une simple cau-