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à Jacques Boulenger


CHAPITRE III

de rouvrois à pierrepont
(10 mars 1916).

Nous n’avons pas dormi longtemps, mais ce peu de sommeil nous a suffi. Ai-je rêvé ? Où suis-je ? J’ai l’esprit lourd, comme un malade qui entre en convalescence. Je me frotte les yeux, et toute l’effroyable journée de la veille me revient à la mémoire. Je regarde autour de moi. Quelle tristesse ! Déjà mes camarades se lèvent. Ils ont les traits tirés, les paupières plombées, la barbe longue, et tous se plaignent de courbature. Le même désespoir, que nous ne nous avouons pas, nous tient tous les quatre. Et c’est dans un silence navrant que nous faisons notre toilette, vaille que vaille, pour la première fois depuis cinq jours. Depuis cinq jours, nous n’avions pu nous débarbouiller : l’eau, ce matin, est une chose merveilleuse qui nous fait du bien.

Nous ne sommes pas seuls dans la chambre. Un homme de garde est là, baïonnette au canon, devant la porte, et il nous surveille de près. Il n’a pas la physionomie d’un mauvais diable. Il louche un peu et montre un vif désir de causer avec nous. Il ne