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à Claude Farrère


CHAPITRE XV

la faim en allemagne


On a remarqué sans doute que, dans les premières pages de mon journal de captivité, j’ai relevé avec soin les menus que les Allemands nous offrirent. Prisonnier, je n’attendais point qu’on me traitât en prince. Mais j’avais lu si souvent que l’Allemagne se consumait du manque de vivres, que je voulais m’en assurer. Or on ne nous avait pas bourré le crâne, voilà ce qu’il faut que je reconnaisse sans détour.

Certes, à la citadelle de Mayence, pendant que nous subissions la quarantaine de rigueur, on nous gâta, c’est indéniable. Ce qu’on nous servait à chaque repas n’était ni mauvais, ni insuffisant. Si ce régime avait duré, jamais je n’aurais cru à la faim allemande, car, pour nourrir ainsi des prisonniers, il apparaissait que l’Allemagne ne se privait pas. Mais ces jours d’abondance ne se prolongèrent point. Je l’ai déjà dit. Je n’y reviendrai pas. Exception faite pour l’hôpital d’Offenburg, où j’étais sur le même pied que les blessés allemands, tout au moins quant à la nourriture, je dois déclarer que les jours de Mayence furent des jours miraculeux.