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le purgatoire

— Non. Pourquoi ?

— Elle nous a défendu de vous parler, et elle a dit que, si elle nous voyait avec vous, elle nous punirait.

— Alors, sauvez-vous ! Et emportez ça, vite !

Mais il ne se hâtait pas de ramasser les biscuits, les cigarettes, et les quelques friandises que je lui avais préparées. Je lui conseillai de ne pas s’attarder chez moi.

— Oh ! fit-il, moi, je m’en f…

La méchante Schwester, bien allemande, joignait donc la sournoiserie à la haine. Pourquoi menacer mes compatriotes moins élevés dans la hiérarchie militaire, et pourquoi ne pas même m’informer de sa décision ?

Mais il était écrit que j’en verrais d’autres encore.

Vers quatre heures, je lisais. Ma porte s’ouvrit. Je me retournai. La grande diaconesse entra, et je me levai. Elle introduisit chez moi une madame savamment endimanchée, qui me contempla comme on contemple un tigre dans une ménagerie. Je fis demi-tour sans rien dire, et repris ma lecture.

Une demi-heure plus tard, la même scène recommença, pour une nouvelle visiteuse. J’étais le phénomène de l’endroit. Mais je n’avais aucune envie de me prêter à ce genre de sport. Je dis à la Schwester :

— Madame, un officier français n’est pas ici pour servir d’amusement aux dames d’Offenburg. Vous n’avez pas compris mon geste de tout à l’heure. C’est pourquoi je mets les pieds dans le plat. Je vous prie de me laisser en repos ; sinon, je vous expulserai, au mépris de vos règlements, et je me plaindrai auprès de la Croix-Rouge de votre conduite un peu trop singulière pour une Schwester.