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l’hôpital d’offenburg

— Vingt-deux ! dit-il. Voilà la sœur. Je m’en vais. Qu’est-ce qu’elle va me casser !

La Schwester avait la mine courroucée. Grande, large, la figure épaisse, les yeux durs, la voix rude, c’était un cuirassier déguisé en religieuse. Elle parlait le français, celle-là, et très bien. Elle marcha sur moi.

— Vous lisez l’allemand ? dit-elle, sur un ton de colère.

— Oui, madame.

— Qui vous a donné ce journal ?

— Je l’ai acheté.

— Ah !

Elle allait dire autre chose, mais elle se ravisa, et elle sortit après m’avoir servi, comme à regret, un bol de bouillon. Madame la diaconesse ne semblait pas avoir inventé la charité chrétienne. La petite Schwester de la veille était plus sympathique.

Wie geht’s ?

Elle revint dans l’après-midi, à deux heures, avec son même sourire et sa même voix chantante. Elle m’apportait le café au lait, le pain, et trois gâteaux secs. Un feldwebel d’administration l’accompagnait. Il me compta six biscuits de guerre, marque Vendroux, et me demanda d’émarger sur un cahier. La Schwester m’expliqua que ce Liebesgabe (don d’amour) était offert aux prisonniers par la Croix-Rouge française.

L’hôpital devenait un paradis. Je regorgeais de biens. Le Suisse présuma que je lui abandonnerais le Liebesgabe ; mais j’appelai mon compagnon du lavabo. Il entra timidement.

— La sœur ne vous a rien dit ? fit-il.