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le purgatoire

— Qu’y a-t-il ? lui demandai-je.

— Nous avons attaqué ? me demanda-t-il à son tour.

Ce fut moi qui demeurai stupide.

— On ne nous a rien dit, fit-il encore.

— Comment ! vous ne savez pas que les Français et les Anglais mènent la vie dure aux Boches depuis le 1er  juillet ?

— Non, nous ne savons rien. Nous sommes pourtant ici depuis deux mois. Mais on ne nous a rien dit. N’est-ce pas, nous ne comprenons pas l’allemand, nous autres. Alors, on ne sait rien.

J’emmenai mon compagnon dans ma chambre, et, dépliant sur le lit les cartes que j’avais moi-même consultées peu d’instants avant, je lui révélai en gros les résultats obtenus par les Anglais, et par les Russes, et par nous. Le malheureux était fou de joie. Il ne me quittait pas du regard.

— C’est bien vrai, mon lieutenant ?

— Comment ? Si c’est vrai ? Voyez la carte, ces lignes successives en rouge, en bleu, en jaune. Est-ce que vous croyez que je suis fou ?

— Ah ! c’est si beau, qu’est-ce que vous voulez, on ne peut pas y croire tout de suite. Il faut réfléchir. Alors, ils n’ont pas dépassé Verdun ?

Un gouffre s’ouvrait devant moi.

— Dépassé Verdun ? fis-je. Mais ils ne l’ont jamais pris.

— Pas pris ? Ça, c’est épatant.

— Ils vous ont dit qu’ils l’avaient pris ?

— Il y a belle lurette, mon lieutenant.

Et, soudain :