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le purgatoire

infirmières de la Croix-Rouge, dames ou jeunes filles d’Offenburg, et des diaconesses, qu’on appelle Schwester, sœur. Le Suisse me prévint, avec un rire gras, que les infirmières ne s’occuperaient pas de moi. À deux heures, ce fut en effet une Schwester qui entra chez moi. Elle était petite, mince, souriait toujours, et ne savait pas un mot de français.

Wie geht’s ? fit-elle d’une voix chantante. Et elle me posa sur mon état de santé des questions précises.

Elle portait au bras un panier plein de morceaux de pain. Elle m’en posa un sur le coin de la table, pendant qu’un infirmier me versait un immense verre de café au lait.

La mixture était une triste lavasse, mais en somme la nourriture avait ici un mérite d’abondance que le camp de Vöhrenbach ignorait. Je profitais, il est vrai, du régime des soldats allemands soignés au Lazarett ; toutefois, je notai que le gouvernement impérial et royal, s’il rationnait avec âpreté les civils, gâtait en revanche ses troupiers, blessés ou malades, avec une habileté remarquable. À l’hôpital d’Offenburg, on mangeait. Cuisine boche et cuisine de guerre, bien entendu, dont un Français s’accommode mal, mais cuisine copieuse. Le soir de mon arrivée, à six heures, j’eus de la semoule, des pruneaux et du thé. J’ai dit ailleurs que l’Allemand, même en temps de paix, se contente d’un repas léger pour finir la journée, et, le plus souvent, d’un peu de charcuterie. Et nos coutumes sont différentes.

Il n’y avait pas le moindre éclairage dans ma chambre. La nuit tombée, il ne me restait que la ressource de dormir. En Allemagne, on dort au commandement.