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l’hôpital d’offenburg

Un infirmier maigriot, vêtu de blanc et coiffé de la calotte grise de soldat, m’annonça qu’il était à ma disposition. Il parlait une langue bizarre, mi-française, mi-boche. Il avait la mine rusée. Tout de suite, il me raconta ses affaires intimes, sans doute pour m’amener à en faire autant. Je ne démêlai pas bien s’il vivait à Bâle avant la guerre et s’il avait rejoint son poste à la mobilisation, ou si, de naissance suisse, il s’était engagé dans l’armée allemande le 1er août 1914. Mais il ne m’échappa point que le gaillard était infirmier au Lazarett d’Offenburg depuis le premier jour. Il parlait avec une volubilité exaspérante. Il sautait d’un sujet à l’autre, me certifiait que le dernier bombardement de Carlsruhe avait causé des dégâts sérieux, me demandait où j’avais été pris, me pronostiquait la fin de la guerre pour le mois d’octobre, et mêlait tout, comme son collègue mêlait la viande, les haricots et la compote. Je l’écoutais par moments.

Il m’apprit qu’à l’hôpital deux soldats français étaient en voie de guérison, et qu’on y avait eu récemment un lieutenant très gentil, dont il oubliait le nom. Il m’apprit encore que le médecin-chef passait la visite dans la matinée et que je ne le verrais pas avant le lundi matin, parce qu’il se reposait le dimanche. Charmante organisation ! Et voyez cette discipline allemande : on n’a pas le droit d’être malade le dimanche. De ce verbiage à mécanique, je retins que le Suisse offrait de m’acheter, à la kantine ou en ville, tout ce que je désirais. Je le chargeai de retirer mon argent au bureau de l’hôpital et de me procurer tous les matins la Frankfùrter Zeitùng.

Le personnel féminin de l’hôpital comprenait des