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le purgatoire

disséminés au milieu d’un grand parc planté de beaux arbres et clos par une haute grille de fer. Les formalités ne traînèrent pas. Le docktor Rueck me présenta au gestionnaire, lui expliqua pourquoi l’on m’hospitalisait et, outre quelques papiers, lui remit mon argent personnel, que la Kommandantur de Vöhrenbach lui avait confié au départ. Les pourparlers terminés, il se retira, non sans me souhaiter, Dieu sait avec quel esprit ! d’avoir la visite de mes compatriotes de l’aviation.

La chambre qu’on me réservait, au premier étage du bâtiment central, était petite, et haute de plafond. Une fenêtre s’ouvrait sur le parc. Le lit touchait à la fenêtre. Une table, une chaise de bois, rien de plus. Telle était la cellule où l’on m’enferma à clef. Je venais en effet d’un camp de représailles, et d’emblée on m’accordait le régime des arrêts de rigueur. On plaça une sentinelle dans le corridor, devant ma porte, et, peu de temps après mon installation, j’en vis une autre qui se promenait sous mes fenêtres. On me traitait comme un sujet d’importance.

J’étais arrivé à l’heure du repas de midi. On me servit d’abord une soupe au riz, gluante et fade. Puis on m’apporta deux tranches de veau, et des haricots blancs trop cuits. Mon assiette était pleine à déborder. Cela n’empêcha pas l’infirmier d’y vouloir ajouter une louche de compote d’abricots et de prunes. J’eus toutes les peines du monde à lui faire entendre que ce genre de mélanges ne convenait pas à mes habitudes. Mais ce fut une histoire sans fin pour obtenir une autre assiette. Quant au pain, j’en avais emporté de Vöhrenbach, heureusement.