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les évasions

— Hein ! On ne s’évade pas d’ici. L’Allemagne vous garde bien, mes gaillards !

La punition d’arrêts de rigueur, qu’on infligeait à l’officier repris, n’était fixée par aucun règlement, du moins à notre connaissance. La Kommandantur disposait de nous à son gré, et le criminel « recevait » tantôt sept jours Strengarrest et tantôt quatre semaines, au petit bonheur.

Je viens d’écrire le mot : criminel. C’est en effet sous cet aspect que les évadés reparaissaient aux yeux de la Kommandantur. Car comment expliquer les traitements injustifiés qu’elle leur réservait ? On les enfermait au camp dans une petite salle spéciale, mal éclairée, froide, où on ne leur servait que l’ordinaire, où on leur refusait leurs colis et où on leur défendait de fumer. Barzinque s’acquittait de cette mission avec un acharnement sans pareil. Il bousculait l’officier, l’injuriait, et procédait sur-le-champ à la fouille réglementaire avec des gestes de soudard ivre qui viole une enfant. Il poussait un cri de triomphe en confisquant la boussole, la carte, l’argent et les papiers que le malheureux n’avait pas détruits. Un jour, il ouvrait un portefeuille. Il en tira le portrait d’une jeune fille, d’une fiancée. Il s’écria :

— Ah ! ces Françaises ! Toutes des p… !

Mais il eut raison de se retirer précipitamment sur cette courageuse infamie, car l’officier levait déjà le poing pour l’assommer.