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les évasions

faiblissait. Allait-il crever là ? Il renonça, et, se levant pour un dernier coup de collier, il n’eut assez de ressort que pour arriver jusqu’à une ferme. La fermière était seule. Le lieutenant parlait l’allemand comme un maître. Il demanda à manger. La fermière lui servit une omelette au lard. Le malheureux renaissait. Aurait-il pu, si légèrement restauré, reprendre sa marche ? C’est douteux. Mais le quart d’heure de Rabelais l’obligea à se découvrir.

— Je ne peux pas vous payer. Je n’ai pas d’argent. Je suis officier français et je me suis évadé.

La fermière sourit.

— Vous plaisantez. Vous, un officier français ? Racontez ça à d’autres, pas à moi.

— Je vous en assure.

— Vous parlez trop bien l’allemand.

— Je vous ai dit la vérité.

Les gendarmes vinrent chercher le lieutenant dans cette ferme. S’il avait eu quelques marks en poche, il était sauvé.

La réussite d’une évasion ne tient parfois qu’à un fil.

Un capitaine, qui parlait l’allemand sans difficulté et pour cette raison n’avait pas hésité à prendre le train, comme un vulgaire civil, était attablé dans un hôtel de Cologne. Nul ne soupçonnait qu’il fût un prisonnier en promenade. Il avait commandé correctement son repas, et la kellnerin ne lui avait rien trouvé de suspect. Elle lui apporta le premier plat.

Danke sehr, dit le capitaine.

La kellnerin le regarda d’un air surpris, sans plus.

Au plat suivant :

Danke schön, dit le capitaine.