Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/241

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
la vie quotidienne

Pour en finir, un officier arrêta monsieur le Censeur, lui fit part de nos inquiétudes, et lui demanda ce que le Deutschland était devenu. Monsieur le Censeur eut un regard si dur, que l’on comprit : le sous-marin se reposait dans un port de la côte anglaise.

Les écoliers de Vöhrenbach consacraient leurs vacances à des jeux dont je ne me serais pas étonné, s’ils les avaient menés autrement. Mais ils me dévoilaient toute l’âme de la race.

Vous devinez qu’ils jouaient « à la guerre ». Tous les enfants de France n’ont pas eu de divertissement plus savoureux. Pourtant, quel désaccord entre les gosses de chez nous et ceux de là-bas !

Chez nous, vous savez comment on pratique ce jeu si amusant. Nous sommes trois petits garçons et une petite fille. La petite fille, c’est l’infirmière. Jacques se coiffe du bicorne de général. Paul devient son officier d’ordonnance, et Pierre fait le cheval, parce qu’il est plus jeune. Et, tout de suite, le désordre éclate. L’infirmière prétend que le général est blessé, même avant la bataille, et le général se laisse dorloter. Pendant ce temps, Pierre jette sa bride et se transforme en artilleur, et l’officier d’ordonnance, abandonnant son poste, passe dans l’aviation. Notre grand Poulbot a pour toujours fixé de ces scènes qui vous désarment. Mais qu’aurait-il extrait des jeux de Vöhrenbach ?

À Vöhrenbach, les jours de congé, une troupe sort du village. Ils sont cinquante, ou quatre-vingts, ou cent. Ils marchent par quatre, au pas, bien alignés.