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le purgatoire

C’était le 9 mars 1916, près du village de Douaumont.

Toute la pente du ravin était creusée de trous individuels ou de trous pouvant contenir quatre ou cinq hommes. De légers toits de branchages et de toiles à tentes les transformaient en frêles gourbis où du moins l’on pouvait s’abriter contre la neige de ce jour-là. De la fumée sortait de quelques-uns de ces gourbis : les réserves allemandes se chauffaient. Deux mitrailleuses étaient braquées vers le ciel, attendant qu’un avion français entrât dans leur champ de tir.

Par un escalier taillé à pic en pleine pente raide, je descendis.

Des soldats, de gros cigares blonds à la bouche, me regardaient avec joie.

Offizier ? demandaient-ils.

Ia, répondait l’un ou l’autre de mes gardiens.

Offizier ! répétaient-ils d’un air ébloui, comme si j’eusse été un général de bonne prise.

Mais pas un ne m’adressa la parole.

Mes gardiens me conduisirent à un jeune feldwebel coiffé de la casquette. Il parlait français.

— Officier ?

— Oui, répondis-je.

— Artilleur ?

— Non, chasseur à pied.

— Ah ! Vous partirez ce soir. Maintenant, nous n’avons pas le temps, et puis il y a du danger.

Il me quitta et mes gardiens, m’ayant salué, me laissèrent.

Une cabane de branchages, à l’entrée de laquelle