Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
le purgatoire

hommes du gouvernement, ministres, députés et sénateurs, qui avaient une âme craintive. 1914 avait ouvert les portes toutes grandes à l’enthousiasme français. À la France, qui se retrouvait jeune, il fallait un gouvernement jeune. Elle conserva, l’imprudente, la kyrielle de vieux politiciens, bardons de la défaite de 1871, ou héritiers podagres des vaincus. Depuis sa naissance, la Troisième République avait refusé le fer à l’Allemagne. L’heure n’est plus d’examiner ses torts ou ses raisons. L’histoire enregistre simplement. Mais en 1914, quand il n’y eut plus moyen de se dérober à l’attaque des Barbares, la nécessité s’imposait de jeter, avec les anciennes terreurs, tous ceux qui avaient eu peur officiellement pour la France. Ainsi des vaincus ou des fils de vaincus ne pouvaient nous mener à la victoire que par des chemins détournés. Nous avions inventé la diplomatie, ce bridge où la France était toujours « le mort ». La faillite de la diplomatie en 1914 aurait dû entraîner la faillite des diplomates. Il n’en fut rien. Et, parmi tant d’errements qui ont marqué la conduite de la guerre, il nous est apparu, à nous prisonniers, que le gouvernement de Paris était impuissant à nous sauver de la ruine.

Pendant que la France faisait la guerre à la va-comme-je-te-pousse, l’Allemagne faisait la guerre totale. Elle la faisait aux soldats du front et aux civils de l’intérieur. C’est un point acquis, qu’elle manœuvrait autant dans nos usines et dans nos champs par les écrits louches et les paroles suspectes que dans les tranchées par les canons et les gaz empoisonnés. Elle travaillait à détruire le moral des hommes et des femmes de l’arrière dans le temps où elle tuait et