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le régime des représailles

camp de France aura reçu telle et telle amélioration. J’ai eu sous les yeux la lettre qu’un officier boche envoyait à son père. Il disait : « En un mot, on ne se fait aucune idée en Allemagne du traitement indigne auquel nous sommes soumis ici. Les autorités responsables devraient prendre des mesures de représailles[1] ». Les citoyens allemands n’avaient peut-être pas beaucoup de droits, mais l’Empire les défendait. Nous, nous sommes accablés de droits, mais on nous laisse le soin de les défendre nous-mêmes. J’admire cette petite phrase de rien : « Les autorités responsables devraient prendre des mesures de représailles. » Les autorités étaient responsables, en Allemagne. Mais les autorités françaises, comment agissaient-elles ? Elles capitulaient. L’Allemagne obtenait les satisfactions qu’elle réclamait. Par contre-coup, les représailles imposées aux prisonniers français étaient levées.

— Que demandez-vous de plus ? dira-t-on.

Les prisonniers français ne demandaient pas la fin des représailles. Qu’ils fussent en représailles ou non, leur situation n’était ni meilleure ni pire. Et ils se réjouissaient d’être un peu plus maltraités, quand ils apprenaient qu’ils l’étaient parce que les prisonniers allemands gémissaient en France. Nous savions tellement que les bandits de 1914 ne gémiraient jamais assez ! En outre, il nous répugnait que la France, toujours et toujours, capitulât : nous sentions que quelque chose d’anormal se tramait chez nous. Il nous sautait aux yeux qu’un désaccord existait entre le peuple français qui avait la volonté de vaincre, et les

  1. Frankfùrter Zeitùng, 27 juillet 1916.