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à Henry Malherbe


CHAPITRE PREMIER

prisonnier
(9 mars 1916).

Deux soldats du 85e Saxon me conduisaient à travers champs vers l’intérieur des lignes ennemies.

J’ouvrais de grands yeux. Les feldgraù[1] se démenaient autour de nous. Ils couraient en déroulant des fils téléphoniques, jurant, soufflant, braillant ; d’autres, pliés en deux sous le sac ou par la peur, l’arme à la main, se dirigeaient, en colonne par un, vers notre tranchée conquise, pour l’occuper ou pour tenter d’aller plus loin ; d’autres revenaient en hurlant : des blessés. Car l’Allemand qui souffre pousse des cris. Je marchais lentement vers l’arrière, leur arrière, tout étonné de passer sans accident au milieu du flot de balles par quoi nos unités de soutien limitaient le succès des vainqueurs. Ainsi j’arrivai au bord d’un ravin très encaissé et fort boisé : le ravin du Bois-Chauffour.

  1. Feldgraù = gris de campagne. Les Allemands appellent ainsi leurs soldats à cause de la couleur de leur uniforme. Et les nôtres sont maintenant des Himmelblaù (bleu de ciel) après avoir été des Rothosen (pantalons rouges).