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est si monstrueux, qu’on pourrait supposer qu’ils avaient perdu le sens commun quand ils l’accomplissaient. Et peut-être, dans l’humble vie quotidienne, sont-ils les fidèles agenouillés que l’on sait d’un Dieu qu’ils vénèrent et redoutent ? Il n’en est rien. Sans rappeler ici l’attitude saugrenue des gros dignitaires de l’église allemande pendant la guerre, on a le droit d’affirmer que protestants du Nord et catholiques du Sud se rejoignent au même point. Certes, tous font étalage d’une foi solide. Ainsi, par exemple, dans les camps allemands on honore les prêtres français qui sont si mal honorés en France. Quel que soit leur grade ou leur emploi, on les incorpore au milieu des officiers, et, s’ils n’étaient que brancardiers de deuxième classe au front, on leur verse la solde d’un sous-lieutenant. Tellement l’Allemagne veut signifier qu’elle a pour les représentants du culte un zèle que n’ont même pas ses ennemis. Mais là se borne sa charité chrétienne, qui prend la figure d’un opportunisme très politique.

Il y avait à Vöhrenbach plusieurs prêtres français. L’un d’eux était capitaine d’infanterie et l’autre sous-lieutenant, dont les Boches apitoyés enrageaient ; car comment peut-on être assez barbare pour forcer des hommes de Dieu à tenir un fusil ou un sabre ? Ils ne songeaient pas en effet que leur cause ne devait rien avoir de sacré, en dépit de leurs déclamations tapageuses, pour qu’un prêtre fît œuvre pie en les combattant. Ils acceptaient cependant deux autres ecclésiastiques, qui portaient le brassard des infirmiers. Or, le dimanche, on transformait en chapelle un coin du réfectoire afin que nous eussions notre