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le sens de l’honneur

C’est parce que chez elle la duplicité, la ruse, le mensonge et l’ignominie vont de pair avec l’appétit et la violence. Avant 1914, cachant son hypocrisie autant que sa brutalité, l’Allemagne était enchaînée. La guerre, tant attendue, l’a libérée de toute contrainte et lui a ôté son masque. Nous l’avons vue telle qu’elle était et telle qu’elle est. Et qu’on ne vienne pas nous chanter que cette Allemagne bestiale et sournoise est l’œuvre d’un kaiser, d’une dynastie ou d’une caste. Nous, prisonniers meurtris par les Allemands à chaque heure de notre captivité, nous savons que le plus modeste des paysans de Saxe, que le plus humble des ouvriers de Bavière et que le plus petit des employés de commerce du Hanovre sont, au même titre que le plus grand des hobereaux prussiens, des hommes méchants et sans honneur, jaloux et sans humanité, et qu’ils ont tous une âme de tortionnaires, s’ils ont une âme. Je m’exprime ici sans passion, je le jure. J’ai longtemps attendu avant de livrer au public mes impressions de captif. Je les ai longuement portées. Depuis plus de sept ans, je suis sorti des prisons allemandes. Mais, aujourd’hui, 15 mars 1924, en relisant les notes que j’écrivais en 1916, je ne trouve pas un mot à y effacer. Les Allemands ont trompé le monde. Ils le trompent encore. Et je le dis à ceux qui m’écoutent : méfiez-vous d’eux toujours, quel que soit le nouveau masque qu’ils se posent sur le visage.

Les Allemands ne croient pas à l’honneur, qui est une religion pour ceux qui n’en ont pas d’autre. Ils n’ont pas le respect des choses religieuses. Le peuple qui a tiré sur la cathédrale de Reims et sur tant d’églises est un peuple sans foi ni Dieu. Cependant, ce crime