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le sens de l’honneur

soldat, un autre, était là, à deux pas, baïonnette au canon et cartouchières gonflées. Un coup de matraque sur le crâne ne m’eût pas assommé plus efficacement. Je n’avais rien à dire à cet homme, qui exécutait un ordre. Je rentrai au camp, les jambes faibles et le cœur chaviré.

Je rendis compte au colonel B*** de l’offense qu’on nous avait faite à tous en ma personne, puis j’allai protester à la kommandantur. Je n’y trouvai que l’officier censeur. Naturellement il feignit de ne pas comprendre. L’honnête homme ! Il n’était au courant de rien. Il ne savait même pas que je devais sortir ce matin-là. Son innocence était si manifeste que ce fut lui pourtant qui me rendit le papier de ma promesse, car il l’avait devant les yeux, sur sa table de travail. Il bafouilla des excuses, accusa le chef de poste qui, n’ayant peut-être pas reçu la consigne nécessaire, avait cru devoir expédier cet autre soldat en armes. Comme si les Allemands avaient l’habitude de prendre si peu de précautions, et comme si le chef de poste n’avait pas refermé lui-même la grille sur mon guide et sur moi ! Mais je n’étais pas dupe, et, tout assuré d’autre part que j’étais de la vanité de ma protestation, je dis à l’officier censeur que désormais je ne sortirais plus et que je me plaindrais à l’ambassade d’Espagne. Je ne me dissimule pas qu’il dut rire de mes prétentions, derrière mon dos.

À Verdun, des médecins français avaient été pris dans leur poste de secours avec leur personnel et leurs blessés. On les interna eux aussi au camp de Vöhrenbach, comme de vulgaires combattants, ce qui était une atteinte de plus à la Convention de Genève. Je