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le sens de l’honneur

une fois, deux fois, trois fois, on les rangea par quatre, on les compta de nouveau. L’officier allemand désigné pour ce service et le médecin du camp étaient en tête de la colonne. Le chef de poste et des hommes de garde surveillaient la porte afin que nul officier supplémentaire ne se faufilât parmi les privilégiés, et la caravane s’éloigna lentement. De nos fenêtres, nous la suivîmes longtemps des yeux. Nous étions quelques-uns à penser que nous n’en verrions pas une autre le lendemain.

Ce fut en effet un magnifique scandale, le lendemain matin seulement, lorsque l’officier de jour, en nous comptant lors de l’appel du matin, dans la cour, s’aperçut qu’un officier lui manquait. S’était-il trompé ? Il nous compta une seconde fois. Nous étions rassemblés en trois groupes, chaque groupe sur cinq rangs de profondeur, en une sorte de carré sans quatrième côté. L’officier compta posément. Quelques sourires effleuraient des bouches.

Pâle, il demanda :

— Y a-t-il un malade ?

Personne ne répondit.

L’autre perdit contenance :

— Il n’y a pas un monzieur qui est resté dans sa chambre ? demanda-t-il de nouveau.

Pas un mot ne s’éleva de nos rangs.

Le pauvre leùtnant ne savait plus où se fourrer, il rougissait, il demeurait immobile, il nous regardait. Des murmures couraient. Alors il prit une décision, envoya chercher le contrôle nominatif du trésorier, et l’appel individuel eut lieu, dans l’ordre alphabétique des noms, chaque officier appelé sortant de la foule et