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le sens de l’honneur

cepterait pas : lui-même ne se considère lié par aucun honneur, par aucun traité, par aucun scrupule, et vous ne pensez pas qu’il croira que vous êtes moins sot que lui. D’ailleurs le gouvernement français, qui n’avait pas fait grand’chose pour ses officiers prisonniers, s’était néanmoins ému de leur sort, et leur avait interdit de donner aucune parole d’honneur aux Boches. De cette façon on punissait l’Allemagne du peu de respect qu’elle avait étalé pour les chiffons de papier. En conséquence, tout comme de vulgaires condamnés de droit commun, les prisonniers étaient enfermés dans des camps plus ou moins vastes, et ils n’en sortaient jamais, hormis pour un transfert dans un autre bagne.

Cette sévérité eût été compréhensible, à la rigueur, si la guerre n’avait pas duré plus de six mois. Mais, quand elle menaça de s’éterniser, de bonnes âmes songèrent qu’au jour de la délivrance il ne sortirait peut-être plus des geôles que des loques effrayantes. Alors le gouvernement français autorisa ses officiers prisonniers à prendre part à des promenades collectives, sous réserve qu’ils ne promettraient de ne pas s’évader que pour la durée de chacune d’elles. Et c’est ainsi que la kommandantur fut amenée, à la fin du mois de mars de 1916, à organiser des sorties à l’extérieur.

Les choses ne se passèrent pas sans de longs pourparlers.

Sortirait qui voudrait. Chaque jour, vingt-cinq prisonniers franchiraient la porte du camp, après avoir apposé leur signature au bas d’une feuille de papier. Seraient-ils accompagnés ? Les prisonniers préten-