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le purgatoire

trois jours, on le laissa dans son cachot ; on ne lui apporta pas la moindre nourriture et pas le moindre verre d’eau ; chaque soir on lui disait :

— Vous serez fusillé demain.

Enfin, après ces trois jours de torture, qui n’arrachèrent pas un seul mot de protestation à ce malheureux, on le tira de son trou et on le poussa vers une grande cour. Le peloton d’exécution promis attendait dans un coin, l’arme au pied.

— Demandez grâce ! cria un officier allemand.

— Non, répondit le condamné.

Alors, on le planta devant le peloton, et on lui attacha les mains derrière le dos. On voulut lui bander les yeux, il refusa. Un ordre bref : les soldats mirent en joue. Mais, la plaisanterie ne pouvant aller plus loin, car on n’avait pour but que de terroriser le prisonnier et de le réduire à merci, l’officier allemand marcha vers l’officier irlandais, et, les yeux dans les yeux :

— Je vous fais grâce, dit-il.

L’autre ne répondit rien. Il n’avait pas bronché.

Les Russes ne ressemblaient pas aux Anglais. Ils acceptaient les derniers outrages avec un fatalisme tranquille. Le gouvernement du Tsar ne s’occupait pas de ses prisonniers. Pour lui, c’étaient des hommes perdus, et il les abandonnait aux mains de l’ennemi, quitte à ne pas s’inquiéter davantage des prisonniers allemands qu’il oubliait sans façon dans un quelconque district. Et nous avons pu voir, jusqu’en 1916, cette anomalie : les prisonniers russes recevant en Allemagne du pain fourni par la France, alors que les prisonniers français n’en recevaient pas. Car les