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le camp de vöhrenbach

et elle lui aurait à peine suffi pour un jour. Le dimanche, on nous distribuait un petit pain spécial, plus blanc et meilleur, pour nous faire accepter évidemment l’indigestion de l’autre, qui semblait contenir plus de pomme de terre que de farine et qui dérangeait le corps. Mais enfin, on avait des kartoffeln en robe de chambre à peu près à tous les repas, et l’à-discrétion de ceci compensait la pauvreté de cela. Le camp de Vöhrenbach était en résumé la perle des camps. C’est sous ces apparences qu’il nous fut présenté par nos camarades et que nous le pratiquâmes en effet pendant quelques jours.

Mais vous connaissez mal les Allemands si, vous empressant d’applaudir à leur générosité, vous croyez que ce régime allait être durable. Je ne me faisais aucune illusion à ce sujet. La réalité me donna raison sans retard, malheureusement. Les provisions de conserves de la kantine, qui d’ailleurs étaient restreintes, ne furent qu’un feu de paille, et on ne les renouvela point. La vente du sucre ne se prolongea pas au delà de la fin de ce mois de mars. La bière devint une triste bibine où l’orge et le houblon ne figurèrent jamais. Le vin, nous nous aperçûmes à nos dépens qu’il n’était que chimiquement pur. Les menus s’effondrèrent avec hâte dans une débâcle terrible aux estomacs, et je dirai tout de suite que le fond de notre alimentation ne fut bientôt que de pommes de terre, de rutabagas et de choux rouges, et encore ! On nous rationna même pour les kartoffeln. Quant aux billards, chaises, nappes, belles assiettes et plats magnifiques dont s’égayait le réfectoire, nous dûmes les rembourser de notre poche,