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vers un autre camp

— Est-ce que d’autres officiers partent aussi ?

— Oui, quinze officiers.

Et le feldwebel me tendit la liste de départ. J’y relevai les noms du capitaine V*** et du lieutenant T***, tous deux du même bataillon que moi, et dont je n’avais pas encore été séparé depuis le combat du 9 mars. Au vrai, je n’espérais pas qu’on ne nous séparât point. Je connaissais assez les Allemands pour être assuré qu’ils n’avaient aucune propension à la complaisance. J’attribuai donc à un heureux hasard notre départ en commun, et sans rien marquer de ma joie qui aurait fort bien pu provoquer un contre-ordre ultérieur, je rendis au feldwebel la feuille de papier qu’il m’avait offerte.

Mes préparatifs ne furent pas longs. Un peu de linge, quelques objets de toilette, mon pot de confiture d’abricots, mon casque, le tout ne tint pas beaucoup de place dans la valise rouge de carton gaufré — ersatz peau de porc — si magnifique, que j’avais achetée la veille à la kantine. À 8 heures du matin, j’étais déjà prêt à me mettre en route. Mais nous ne devions prendre le train qu’à 7 heures 1/2 du soir.

Il faisait nuit, quand on rassembla dans la cour les quinze exilés. Nos bagages furent déposés sur une charrette à bras. On nous distribua des sacs de papier contenant un repas froid, plus une bouteille de café pour deux, et le chef de notre détachement, un feldwebel, reçut une provision de cinq marks par officier pour les imprévus du voyage, car on nous avait retiré notre monnaie de singe de la citadelle de Mayence pour en donner au feldwebel l’équivalent en monnaie véritable qui, dans notre nouveau camp, serait de