Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/114

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
le purgatoire

mise et le caleçon sont en jersey de coton, fin et camelotard, de couleur crême, mais la chemise est enrichie d’un plastron en piqué blanc agrémenté de fleurettes bleues. C’est bien joli. Tout en nous déshabillant, nous ne nous lassons pas de manifester notre émerveillement. Mais, si nous plaisantons, rien ne nous empêche d’échanger entre nous les caleçons et les chemises afin de les adapter un peu mieux à nos proportions.

La douche prise, chaude ou froide à volonté, il fallut remonter dans la chambre no 28. Notre cortège ne manquait pas de pittoresque : tous ces caleçons et toutes ces chemises et toutes ces chaussettes d’uniforme, sous la couverture d’uniforme, composaient un tableau assez grotesque. Et c’est dans cette tenue que nous demeurerons jusqu’à ce qu’on nous ait rendu nos effets désinfectés.

Dans la chambre no 28, une surprise nous attendait : nos petits sacs individuels avaient disparu. Un murmure de stupeur s’éleva, vite suivi d’éclats de rire. La chose était trop drôle. Que de précautions pour nous dévaliser ! Beau travail vraiment. Les paillasses des lits avaient été retournées ; les coiffes de nos casques avaient été fouillées ; les Trains de Luxe d’Abel Hermant n’étaient plus là ; toutes les cachettes avaient été éventées. Tout était perdu. Rafle intégrale. Naufrage de toutes les espérances.

Pour se faire pardonner une si déplorable maladresse, qui ne pouvait que nous mal disposer, l’Administration nous offrit un repas copieux, où les kartoffeln abondaient, et nous eûmes même un supplément de consolation : de la marmelade. Notre rage