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la quarantaine

ration dérisoire de la boule militaire que nous connaissons.

Notre menu comprend : un potage à la semoule ; une tranche de viande comme on en sert aux internes de nos collèges et lycées, viande filandreuse et pâle et dont on ne saurait décider si elle est de bœuf ou de veau ; des épinards ; et enfin, à discrétion, dès le début du repas, des kartoffeln, c’est-à-dire des pommes de terre cuites à l’eau. Les kartoffeln se mangent avec tout, avec la soupe si l’on veut, et avec la confiture si on le désire. Elles remplacent le pain. Comme boisson, de l’eau. Mais nous avons le droit d’acheter à la kantine une demi-bouteille de bière par officier et par repas ou une bouteille de vin par jour et pour deux officiers. En somme, cet ordinaire est plus que suffisant. Un de mes camarades en fait la remarque à haute voix.

— Vous n’en direz pas autant tous les jours, nous dit l’ordonnance belge.

Ces quelques mots jettent un froid sur nous. Ils confirment en moi les réflexions que m’avait suggérées cette promesse d’expédier sans retard notre première carte postale. Il ne faut pas juger les gens sur la mine, et les Allemands moins que personne.

L’après-midi était déjà assez avancée quand notre repas s’acheva. Que faire dans cette cage, sinon se planter derrière les barreaux et regarder ce qui se passe à l’extérieur ? Lorsque nous serons sortis de cette chambre no 28, qu’entre nous nous appelons le « saloir », nous aurons les mêmes prérogatives que les prisonniers qui sont ici depuis longtemps. Mais quelles sont-elles ?