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DEUXIÈME PARTIE

peu de jours que je passai près d’elle, soit pendant la convalescence, du reste brève, de ma première blessure, soit pendant mes permissions, Marthe en fit pour moi des jours accablants. Cette détente que, par définition, le soldat permissionnaire devait trouver chez lui, loin de la zone infernale, cette joie que nous avions tous en principe d’échapper pour quelques heures à nos misères du front, Marthe me les empoisonna. J’étais à elle, tout à elle, rien qu’à elle, elle entendait me garder tout pour elle, rien que pour elle. Elle épiait mes gestes, mes regards, mes réponses, me tenait en servitude constante, me harcelait de questions, m’empêchait de sortir ou ne me quittait pas, et, si par hasard je me taisais, elle m’arrachait à