Page:Sandeau - Sacs et parchemins.djvu/290

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nui est un rude maître qui a déjà dompté bien des âmes, ébranlé bien des convictions. Voici bientôt vingt ans qu’il habite avec nous, qu’il s’assied chaque jour à notre table, à notre foyer, chaque jour plus maussade et plus renfrogné que la veille. Bouder peut être une douce chose ; mais, lorsqu’on a boudé pendant près de vingt ans, malgré soi on éprouve un vague besoin de s’égayer, de se distraire un peu, de vivre comme tout le monde et de faire bonne mine aux gens. Je vous le dis bien bas, je ne le dis qu’à vous, ne le répétez à personne : nous enrageons tous en silence, notre fidélité commence à nous peser.

— Eh ! vive Dieu ! madame, s’écria dans un mouvement d’enthousiasme M. Levrault, qui frétillait déjà autour de l’hameçon, puisqu’il en est ainsi, pourquoi ne pas vous séparer ouvertement d’un parti sans avenir, et qui, je ne dois pas vous le dissimuler,