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Gina était sublime alors : les yeux brillants, dévorée d’inspiration, victime haletante sous le génie qui la pressait, les ressorts de son âme ardente reprenaient toute la verve, toute la hardiesse de la jeunesse, plus énergiques, plus brûlants que jamais, comme la force élastique qui, longtemps comprimée, ne bondit qu’avec plus de violence. Qu’elle était belle avec sa figure pâle et passionnée, avec son sein qui palpitait, impatient d’harmonie ! Elle chanta comme jamais elle n’avait chanté en ses plus beaux jours. Dans tout le cours de la pièce, exaltée par les applaudissements frénétiques, elle s’éleva au-dessus de tout ce que l’Italie avait produit de génie et de mélodie. Surprise elle-même de la puissance de ses moyens, elle dit à Rosetta, dans le dernier entr’acte, qu’il lui semblait qu’une autre voix que la sienne, une voix magique s’exhalait, mâle et pleine, de ses poumons élargis. Rosetta remplissait le rôle de Roméo. Sa belle voix de contralto, grave et sonore, avait été cultivée par les soins de la duchesse de R** : maintenant elle partageait son triomphe, son enthousiasme et ses inspirations. Elle-même l’arrangea dans le cercueil qui renferme, au dernier acte, Giuletta endormie, sous les fausses apparences du tré-