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avec transport : je secouai tristement la tête, et je fus froissé de dépit ; j’étais jaloux comme si la gloire de Gina m’eût appartenue, comme si c’eût été me voler que d’en donner à une autre qu’elle. Mais Rosetta était l’amie de Gina ; plus jeune qu’elle de quelques années elle avait reçu ses leçons ; elle lui devait son talent, son succès, et peut-être aussi le sentiment élevé d’une reconnaissance généreuse et délicate. Gina l’encourageait de ses regards et de ses gestes. Le triomphe de la jeune débutante fut complet ; elle fut redemandée et couronnée à la fin de la pièce. Alors, modeste et touchante, elle s’approcha de la loge d’avant-scène et tendit la couronne à son amie, qui la refusa. Je la ramassai comme elle tombait des mains de Rosetta, et, me penchant vers celle dont une faible barrière me séparait, je la posai sur sa tête en m’écriant : — À Gina, à la reine du chant ! — Un tonnerre d’applaudissements me répondit. Gina s’était levée, faible, émue, malade, mais radieuse de joie. Elle appuya une main sur mon épaule ; au milieu de l’enivrement de sa gloire, elle eut un regard pour moi ; sa bouche murmura faiblement mon nom. Aussitôt elle fut entraînée par le duc de R**, qui s’élança, sombre et mécontent, au milieu