Page:Sandeau - Houssaye - Les Revenants.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bras souples et blancs comme pour enlacer le cou rude et basané du barbare, le menacer, le prier encore, et, glacée de terreur, tomber à ses pieds, palpitante comme la colombe sous la serre cruelle du vautour ! et ses larmes mélodieuses, ses énergiques protestations, ses lamentables cris, si vous les aviez entendus !… Pleure, pleure, pauvre Vénitienne ! C’était bien la peine de quitter ta patrie et ton père et ta gloire pour ce monstre altéré de sang ! Ton heure est venue ; le poignard est bien luisant, la nuit est bien sombre… Pauvre Vénitienne, il faut mourir ! — Mourir ! elle fuyait, pâle, les yeux égarés, sublime… et, au moment où l’amour de la vie déployait dans toute sa vigueur la puissante énergie de ses moyens, au moment où sa voix poignait l’âme de toute l’harmonie déchirante de ses accents, elle s’arrêta, comme frappée d’une commotion électrique, le regard fixe, le cou tendu, immobile et froide comme une statue de marbre. — L’orchestre ne va pas, murmura-t-elle lentement, les lumières pâlissent ; tout est muet autour de moi !… Oh ! mon Dieu ! s’écria-t-elle avec désespoir, lui aussi ! — Et sa main semblait indiquer une place où ses yeux se reposaient tristement. — Lui aussi il