rayons capricieux avec les plis de son vêtement blanc. Son aspect me fascina, et je restai immobile, les mains tendues vers elle.
» Ses bras étaient nus, ses épaules à moitié découvertes, et sa robe fine et légère dessinait la maigreur diaphane de ce corps que depuis si longtemps l’âme fatiguait et brisait sans cesse. Elle alla s’asseoir sur un tertre de gazon humide, et là, appuyée sans art, presque sans grâce, d’une voix triste et plaintive elle chanta la romance du Saule. C’était Desdémona, la Desdémona de Shakespeare, mélancolique comme la nuit, qui semblait gémir avec elle, pressentant sa terrible destinée, la prédisant dans chacun de ses accents, la racontant dans chacun de ses regards. Je l’écoutais dans une muette extase ; tout à coup elle poussa un cri délirant, et je frissonnai. Elle avait vu dans l’ombre surgir une figure froidement atroce : elle venait d’apprendre qu’il fallait mourir ! Oh ! il fallait la voir, naïve comme la peur d’un enfant ou amère comme le mépris, passer de la crainte qui supplie à l’indignation qui foudroie, et se dresser, grande et terrible, dans sa fierté de femme outragée ! et puis, comme une pauvre fille qui a besoin d’amour et de pardon, il fallait la voir arrondir ses