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flambeaux étaient éteints, et le palais s’élevait devant moi, silencieux comme une tombe. Rafraîchi par la brise, qui m’apportait les parfums des cythises, la tête plus calme et les sens reposés, j’en contemplais la façade d’architecture composite sans chercher à me rendre compte de l’endroit où je me trouvais et des motifs qui m’y avaient conduit, lorsque j’aperçus à travers les larges carreaux l’éclat d’une lumière qui tremblait, blanche et triste, sur des rideaux de velours cramoisi. Une voix s’éleva dans le silence de la nuit, et l’air vint en frémissant se briser sur les vitres, qui, frappées en même temps des rayons de la lune, brillaient de mille facettes d’argent. Je tressaillis : c’était sa voix céleste ! Je sentis mon cœur rajeuni s’épanouir comme en ses beaux jours : c’était Gina ! je l’entendais encore ! Plusieurs portes de glace roulèrent sur leurs gonds ; la voix s’approcha, plus grave et plus sonore ; l’herbe fraîche fléchit en criant, un frôlement de robe agita le feuillage, et à travers les citronniers et les myrtes je vis Gina s’avancer lentement, pâle, les cheveux séparés sur le front en deux bandeaux noirs et luisants et éclairés par la lune, qui, bizarrement découpée par les nuages, jouait de ses