fois, lorsque ses chants avaient cessé, ses yeux inquiets et hagards semblaient interroger la foule ; qu’elle répondait par un long cri au silence de mort qui régnait autour d’elle, et qu’elle tombait alors, froide comme la pierre qu’allait frapper sa tête échevelée.
» On assure qu’à cette époque ma raison se troubla. Il est certain qu’une étrange rêverie s’empara de mon cerveau : je ne sais par quelle fatalité je vins à croire que Gina m’aimait, qu’en des temps plus heureux ma tête avait reposé sur son sein, qu’elle m’appelait encore dans le silence embrasé de ses nuits. Que vous dirai-je ? J’étais fou, fou de malheur. Je ne sais ce que je résolus, mais, un soir que le duc de R** donnait une fête aux seigneurs de Vérone, je me mêlai à la foule élégante qui se pressait dans la cour de son palais, et je glissai inaperçu à travers les colonnes de marbre. Bientôt la fraîcheur parfumée du soir caressa mon visage, et je me trouvai dans les allées ombreuses d’un jardin immense et désert. J’errai longtemps, sombre et soucieux, aux sons de la mandoline, aux refrains de la Tarentaise ; et, lorsque je secouai les idées vagues et pénibles qui m’oppressaient comme un cauchemar, les chants de fête avaient cessé, les