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les chants commencés dans la joie allaient mourir dans la douleur.

» Bientôt son état empira. En vain son mari l’entourait de tout le bien-être de la vie extérieure, la berçait de toutes les molles aisances que peut donner la fortune : chaque jour emportait un débris de sa beauté ; depuis longtemps c’en était fait de son bonheur. »

Valterna s’interrompit, passa à plusieurs reprises sa main sur son front découvert, regarda la pendule, et continua après quelques instants de silence. Sa voix était altérée ; quelques éclairs de joie traversaient parfois son visage, son cœur semblait bondir d’impatience.

« Je voyageai, dans l’espoir de me distraire : je revins plus malheureux que jamais. L’image de Gina m’avait suivi partout comme un génie de malheur attaché à mes pas, comme un remords cramponné à mon cœur ; partout je l’avais retrouvée, partout j’avais entendu sa voix, dans le bruit des vents, dans le murmure des vagues, dans le silence du désert. Gina ! le soleil des sables brûlants m’avait consumé de tous ses feux, j’avais gravi tout sanglant les rochers, j’avais dormi sur la neige des monts, et je n’avais jamais été torturé que de son souvenir. Mon âme s’ulcéra, mon caractère s’ai-