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fièvre brûlante s’empara de moi, et je n’échappai à la tombe que pour me sentir agité de tous les tourments de l’enfer. Le barbare ! il avait désenchanté ma vie ; et cette femme que j’idolâtrais, cette femme que j’avais respectée jusque dans mes rêves les plus doux, elle était à lui, il l’avait à lui seul ; je voulus mourir.

» Je n’eus pas même la consolation de la savoir heureuse pour adoucir la douleur qui consumait mes jours. Pauvre Gina ! la plante qui croît sur la montagne périt à l’ombre des vallons. Son mariage fut splendide et triste. On enviait le bonheur de Gina ; elle s’y laissa traîner en tremblant. Dès le premier jour elle se sentit à l’étroit dans cette destinée nouvelle ! Adieu cette vie d’artiste si pleine et si brûlante ; adieu les agitations du théâtre, les enivrements de la gloire ! Vint le positif de la vie, froid et sec comme le cœur du riche ; celui de Gina s’y brisa. Pauvre femme ! le luxe et l’opulence ne lui allaient pas ; il fallait à ses larges poumons un air et plus âpre et plus libre. Ses joues se cavèrent, et ses grands yeux bleus se marbrèrent de noir. Triste sans chagrin, on la vit d’abord joyeuse sans gaieté. Si le soir, dans ses salons brillants qui réunissaient toute la noblesse de Vérone, elle