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vèrent à Vérone. Le plus jeune, le comte de C**, fat par principes, sceptique par ton, doutant de tout, excepté de sa beauté et de ses moyens de séduction ; le plus vieux, le duc de R**, profondément égoïste, saturé de plaisirs, prêt à tout faire, à tout sacrifier pour colorer un peu la vie pâle et morne qu’il promenait depuis dix ans.

» Il n’était bruit alors que de la prima dona. Ne pouvant la partager, les deux seigneurs la tirèrent au sort. Elle échut au duc de R**. Gina se rit et du duc et du sort. Le duc amusa tout Vérone. Son amour-propre fut cruellement blessé. — Je l’aurai ! s’écria-t-il un matin. Le soir elle était à lui ; Gina était duchesse.

» Ne me demandez pas les raisons qui la déterminèrent à échanger son bonheur contre un titre et de l’opulence : je les ai toujours ignorées. Pensa-t-elle s’élever plus haut dans l’opinion en joignant un faux éclat à tant d’éclat solide et réel dont l’entourait son talent ? Eut-elle la faiblesse de se croire au-dessous de ces femmes qui l’applaudissaient tout haut et qui l’enviaient en secret ? Hélas ! elle était plus qu’elles toutes ; elle préféra devenir la dernière d’entre elles.

» Vérone perdit ses soirées de délices. Une