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» Ah ! si tu racontas des malheurs pires que ceux de Philomèle et de Progné, tu fus vraiment devineresse. Mais aujourd’hui qu’annoncent ces cris tristes comme la dernière plainte d’un mourant ? Viens-tu m’appeler ?…

« Tu reprends ton vol à travers les cieux. Est-ce la route que je prendrai bientôt moi-même ?

» Ces nuages, ces légères vapeurs que le vent pousse dans le vague de l’air seront-ils la demeure de mon âme errante et toujours inquiète, serai-je porté sur tes ailes vers ces régions bleuâtres ?

» Eh ! que m’importe le mystère de ma destinée ? Moi qui supportai la vie, que craindrais-je de la mort ? Va, quand même ce cri lointain dont tu poursuis encore mon oreille m’annoncerait une suite de jours comme les tiens, avec des misères comme celles de ma jeunesse, je ne reculerais pas. J’ai lassé la fatalité, ou je la lasserai. Que la crainte des mauvais jours éveille les enfants de la prospérité, elle échouera contre l’âme aguerrie des malheureux qui n’ont plus rien à perdre.