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silence des champs ? Attendez que la bise froide mêle ses sifflements à vos tristes concerts ; attendez que le vent glacé se plaigne autour de nos murailles et murmure dans les branches de l’ortie desséchée sur les créneaux des vieilles tours.

» Pourquoi te percher sur mon arbre favori, prophétesse de mauvais augure ? Viens-tu me dévoiler les secrets de l’avenir ? Viens-tu m’annoncer le deuil et les larmes ? Je ne te chasserai pas. Dis. Ta chanson rauque et lugubre m’attriste sans m’effrayer. J’aime les superstitions de l’espérance et ne redoute point celles de la douleur… J’aime toutes ces fables qu’on me débitait jadis sur la science des pronostics et tous ces contes mélancoliques dont on berça mon enfance. Rien ne ressemble plus à la sorcière centenaire que la corneille avec son mantelet couleur de cendre et sa tête pelée. Chante, chante, vieille compagne de l’hiver. N’est-ce pas toi qui chantas sur mon berceau ? Qu’as-tu prédit, le jour des douleurs de ma mère ?