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C’est joli l’Auvergne, mais il y a trop de vert. Nulle variété dans les aspects. C’est ce qui fait que ces montagnes semblent plus tristes.

À mes pieds serpentait un ruisseau d’azur, c’est la Dore. Dordogne, c’est le fleuve redoutable que j’ai traversé avec assez de peur dans sa vaste étendue, c’est ce bras de mer qui se couvre vers Bordeaux d’une forêt de mâts. En voyant couler l’étroit torrent, je pensais à ces belles contrées aimées du soleil auxquelles il va porter ses ondes, patrie des âmes de feu, terre des brûlants étés que je ne reverrai plus.

Le village d’Aydet se compose de deux maisons, dont l’une est l’église, où loge le curé, et l’autre l’auberge, où descendent les voyageurs. Nous mourions de faim. — Avez-vous quelque chose à nous donner ? — Oui, du pain. — Rien de plus ? — Rien. — Eh ! ma femme, ce gigot que les muletiers ont mangé hier au soir ? — Ah ! c’est parbleu vrai ! — On apporte le reste du gigot. — Ces diables de muletiers, dit le Champenois en saisissant le manche du gigot et contemplant avec