Page:Sand - Voyage en Auvergne, paru dans Le Figaro, 04 et 11 août 1888.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

me sont absolument sortis de la mémoire. Si l’on me montrait quelque chose qui eût rapport à ce temps-là, je tressaillerais peut-être d’effroi ou de douleur.

Mais si l’on ne m’en parle pas, je n’y songe pas. Je n’ai pourtant pas le don de l’oubli. J’ai le sentiment du passé si je n’en ai le souvenir. Hélas ! et quand je regarde mon teint flétri, ma vieillesse anticipée, quand je sens dans mon cœur éteint, glacé, quand je sens dans mon corps des douleurs affreuses, fruits amers du désespoir, des sanglots renfermés et des tristes veilles, je vois bien que j’ai vécu. Je n’ai pas besoin de me rappeler quels jours commencèrent ma ruine et quels jours la finirent.