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tard… Enfin je n’y renonce pas, vous voyez ! Je vous le promettrais que je mentirais, et je suis la franchise même. Je pars demain matin ; c’est ce que vous désirez ? Je le désire également. Votre Obernay m’ennuie, et cette belle-sœur me gêne. Adieu donc, mon très-cher, et au revoir… Ah ! attendez ! vous êtes pauvre, et vous croyez qu’on peut se passer d’argent en amour. Grave erreur ! il vous en faut, ou il vous en faudra bientôt, ne fût-ce que pour payer une chaise de poste au besoin ! Voilà mon blanc-seing. Donnez-le n’importe où, à n’importe quel banquier,… on vous comptera la somme que vous jugerez nécessaire. Je m’en rapporte à votre délicatesse et à votre discrétion ! Direz-vous à présent que les juifs n’ont rien de bon ?

Je lui saisis le bras au moment où il me présentait sa signature, qu’il venait de tracer rapidement avec quelques mots d’argot financier sur une feuille de papier blanc. Je le forçai de remettre cela sur la table sans que mes mains y eussent touché.

— Un instant ! lui dis-je ; avant de nous quitter, je veux savoir, je veux comprendre l’étrangeté de votre conduite. Je ne me paye pas de paroles vagues, et je ne vous crois pas fou. Vous me prenez pour un rival, pour un rival heureux qui plus est, et vous voulez me fournir les moyens qui, selon vous, me sont nécessaires pour assouvir ma passion ! Quel est ce calcul ? Répondez, répondez, ou je prendrai pour une grave injure l’offre que vous me faites, car je perds patience, je vous en avertis.